A la recherche des « déviants positifs »… ou comment favoriser la disruption dans son organisation ?
Tout a commencé le jour où mon N+1 m’a dit que j’étais « border line » ! J’ai compris alors que la limite était ténue entre ce qui séparait un comportement acceptable d’un comportement inacceptable...
Cela faisait pourtant plus de 20 ans que j’évoluais plutôt avec succès dans une grande organisation. On m’avait confié à chaque fois des missions qui « sortaient du cadre » et dont seul un succès reconnu (souvent selon des critères qui m’échappaient) pouvait assurer que l’on me confie le « job d’après »…C’est ainsi que je compris peu à peu par l’expérience et au contact d’autres déviants positifs que le non-respect des règles et des procédures pouvait être toléré à condition que la performance soit au-delà des attentes et bien sûr qu’in fine, elle contribue à l’organisation de façon positive.
Les fondements de la déviance positive
L'approche positive a été initialement développée dans le champ de l’aide humanitaire (R.Pascale, J. Sternin & M. Sternin, 2010), puis reprise par le courant de la Psychologie Organisationnelle Positive (K. Cameron, 2013). Cette approche positive des comportements favorise le changement et consiste à identifier et à s’appuyer sur des expériences et des pratiques non conventionnelles qui ont été des réussites dans un contexte donné afin d’en amplifier l’impact. La déviance positive part du constat que dans toute organisation ou collectivité humaine, certains individus obtiennent de meilleurs résultats que d’autres avec les mêmes ressources et les mêmes contraintes. Ces personnes ou ces groupes sont appelés déviants positifs. S’ils sortent de la norme organisationnelle, c’est par leur mode de pensée et leurs comportements en initiant de nouvelles pratiques et en atteignant des performances exceptionnelles.
Identifier et manager les « déviants positifs » dans son organisation
A la différence des « déviants négatifs » qui travaillent le plus souvent dans l’ombre à saper l’organisation dans ses fondements, les déviants positifs se font souvent remarquer par leur énergie authentique, leur liberté de ton quelle que soit le lien hiérarchique où la situation.
Avec une capacité prouvée et reconnue « à faire » et une intention positive, les déviants positifs visent toujours à améliorer, à simplifier, à satisfaire les attentes des diverses parties impliquées dans un processus sans perdre de vue la recherche du Bien Commun.
Ils agissent dans les interstices de l'organisation, à sa périphérie, là où la prise d'initiative est possible et en fonction de l'opportunité qui se présente... Leurs soft skills et la socioperception qu'ils ont de leur environnement alliés à un savant mélange de rigueur et d'intuition les amènent à innover en cassant les codes et les usages en vigueur. Ils ont besoin de ressentir de la confiance de la part de leur hiérarchie, la reconnaissance de leur contribution spécifique et l'espace pour s'exprimer et innover.
Le "prix à payer" des déviants positifs
Suivant l'organisation dans laquelle on évolue, être un déviant positif n'est pas toujours la voie royale d'un plan de carrière tout tracé. Force est de constater que souvent, le besoin de " l'entre soi " rassurant des Directions Générales favorise la reproduction de la norme et freine la "pensée divergente" là où plus que jamais, la complexité et l'accélération nécessiteraient de revisiter les schémas mentaux dominants de l'organisation.
Le mode de fonctionnement, la sensibilité et l'orientation sur le résultat à atteindre requièrent du déviant positif qu'il travaille en réseau. Il devra faire preuve d'autonomie. Il prendra des risques et assumera sa responsabilité dans un cadre qui incline le plus souvent à reproduire la norme et à faire "ce qui est demandé". Son mantra : garder le contact avec la réalité du terrain et faire sienne la pensée de Schopenhauer selon laquelle : " Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence."
Pourquoi encourager la déviance positive ?
Dans une vision mécaniste de l’organisation, l'approche classique du changement ou de la transformation par le problème incline assez naturellement à imaginer une « solution technique » et bien que 70% des missions de conduite du changement échouent, ce modèle reste prédominant. Générée par les schémas mentaux du modèle pyramidal, la recherche de la « Best Practice » isolée et déclinée par décret du « haut » vers le « bas » se heurte à la résistance active ou passive des acteurs de terrain qui en voient bien les limites et souffrent de ne pas être considérés comme des éléments de la solution à inventer.
Un autre exemple se résume le plus souvent à une approche binaire de la recherche de performance économique : additionner (rachat, acquisition, fusion) ou soustraire (revente, plan social, cessation d’activité) qui est rapidement lisible et donc rassurante dans une logique purement financière qui prévaut encore aujourd’hui.
A l'inverse dans une vision organique de l'organisation, il s'agit d'identifier ceux qui "pensent et agissent" autrement, conscient qu'ils ont une part de responsabilité à leur niveau pour initier, accompagner la transformation et délivrer une performance exceptionnelle.
Si vous vous reconnaissez dans ce portrait ou si votre organisation cherche ses agents de disruptions, parlons-en...
« Les gens ne tournent pas le dos aux solutions qu’ils ont eux-mêmes créées ! »
Jon Lloyd
Merci pour cet article,
Mon côté rebel (j’espère déviant positif) m’a poussé à quitter assez tôt dans ma carrière une des plus grandes entreprises françaises pour devenir entrepreneur. Convaincu alors, que je ne pourrai que très difficilement avoir une place et un rôle reconnu dans cette hyper structure.
Je ne regrette pas mon choix de l’époque, mais ensuite je suis resté vigileant dans les PME que j’ai dirigées pour ne pas reproduire ce type de comportement managérial trop normé.